Ça fait 9 mois que ma mère nous a quittés. 9 mois que je ne suis plus aidante. Et franchement, personne ne vous prépare à ce qui vient après…
5 ans à ne rien lâcher
Pendant 5 ans, je n’ai rien lâché. J’ai tout aménagé pour l’accompagner, la soutenir, la soulager, la faire rire, la consoler, la porter, la câliner.
Ma mère nous a quittés il y a 9 mois, à l’âge de 70 ans, et j’ai tenu ses promesses. Elle voulait partir de chez elle et grâce aux soins palliatifs à domicile, j’ai su respecter son souhait. Le fait que j’étais chez elle a permis à mes proches et moi d’être présents dans un environnement familier, loin de l’ambiance hospitalière.
Mission accomplie. Promesse tenue. Et maintenant ?
Moi en mode Wonder Woman… Merci l’IA
Le silence qui fait mal
Du jour au lendemain, plus de planning à gérer. Plus d’infirmière qui sonne à 8h. Plus d’auxiliaire de vie à briefer. Plus de rendez-vous médical à organiser. Plus de téléphone qui sonne pour une urgence.
Le silence, c’est violent. Après 5 ans de course effrénée, de charge mentale XXL, d’hypervigilance permanente… le vide. Total.
Bizarre, non ? On passe 5 ans à rêver de souffler, et quand ça arrive, on se sent complètement paumée.
Orpheline à 50 ans : le double choc
Dans quelques jours, je vais fêter mes 50 ans. Je ne suis plus aidante ni fille, mais je reste mère d’une adolescente de 16 ans.
50 ans. L’âge où on pense avoir fait le tour, où on se dit qu’on maîtrise sa vie. Et paf ! Du jour au lendemain, tu deviens orpheline.
Orpheline à 50 ans, c’est pas pareil qu’à 30. À 30, tu te dis que c’est dans l’ordre des choses. À 50, tu réalises que tu n’as plus de filet de sécurité. Plus personne au-dessus de toi dans la hiérarchie familiale.
Tu deviens la génération « du dessus » d’un coup. Flippant.
Qui suis- je ? Moi, sans ce rôle ?
« Krys, l’aidante de sa mère » – c’était mon identité pendant 5 ans. Mes horaires, mes priorités, mes émotions… tout tournait autour de l’état de santé de ma maman.
Et d’un coup, qui je suis sans ça ?
C’est comme si on m’avait arraché une partie de mon ADN. Cette version de moi qui savait gérer 15 intervenants, qui maîtrisait les protocoles de soins, qui était devenue une vraie chef d’orchestre médico-social…
Elle est où maintenant ?
À 50 ans, tu pensais avoir trouvé ton rôle. Et non. Retour à la case départ.
La culpabilité qui te bouffe de l'intérieur
Ah, celle-là, elle est vicieuse ! Tu te dis :
- « Pourquoi je me sens perdue ? Je devrais être soulagée ! »
- « J’ai parfois pensé ‘vivement que ça s’arrête’ quand j’étais à bout… et maintenant je culpabilise de reprendre une vie normale. »
- « À 50 ans, je devrais être plus solide que ça, non ? »
La vérité ? On fait deux deuils en même temps :
- Le deuil de notre proche
- Le deuil de notre rôle d’aidant
Et ça, personne ne vous le dit dans les bouquins de développement personnel !
Réapprendre à vivre... pour soi (à 50 ans !)
Concrètement, il faut tout réapprendre :
✅ Dormir sans être en alerte permanente (mon cerveau cherche encore les bruits suspects la nuit)
✅ Organiser son planning POUR SOI (ça fait bizarre au début !)
✅ Accepter de ne plus être indispensable 24h/24 (dur pour l’ego, mais libérateur)
✅ Retrouver ses propres besoins (oui, j’en avais ! Qui l’eût cru ?)
✅ Se redéfinir à 50 ans (alors qu’on pensait que c’était fini, tout ça)
Anticiper pour ma fille : le plus beau cadeau
Au-delà de l’amour que je porte à ma fille de 16 ans et de mon rôle pour la guider et l’accompagner, j’anticipe les défis du vieillissement.
Je constitue une épargne et je prévois le recours à des auxiliaires de vie si nécessaire. Je pratique régulièrement une activité physique pour maintenir ma forme. Ayant moi-même été aidante, je tente d’anticiper ses réactions face à une éventuelle maladie ou handicap, sachant combien c’est difficile. Nous abordons ce sujet fréquemment ensemble.
Mais le plus beau cadeau que je puisse lui offrir ? C’est qu’elle ne soit jamais aidante…
Parce que j’ai vécu ça. Et même si ça m’a rendue plus forte, je ne le souhaite à personne.
Ces objets qui racontent notre histoire
L’appartement que j’avais transformé en petit hôpital de luxe… Qu’est-ce que j’en fais ?
Les barres d’appui colorées, le fauteuil transformateur, la douche à l’italienne… avec des sols antidérapants.
Chaque objet raconte notre parcours d’aidante et de sa vie en étant malade.
P…… de crabe…
J’ai gardé la Google Home. Parfois, je lui demande encore de mettre du Jean-Michel Jarre, son artiste pref… Comme maman le faisait. « Dis Google, mets-moi du Jean-Michel Jarre » . Et là, les souvenirs remontent. Et les larmes coulent de OUF…
La reconstruction (oui, c'est possible à 50 ans , enfin j'y crois)
Petit à petit, on se reconstruit. On redécouvre qui on est sans ce rôle. Et on réalise qu’on a développé des compétences de dingue :
🔥 Gestion de crise niveau expert
🔥 Organisation militaire
🔥 Empathie décuplée
🔥 Résilience à toute épreuve
🔥 Maturité émotionnelle qu’on n’avait pas à 30 ans
Ces compétences, elles sont à nous maintenant. Pour toujours.
Ce que j'ai compris
✨ Le deuil de l’aidant est légitime : on a le droit d’être paumée après
✨ Être orpheline à 50 ans, c’est un statut particulier : ni jeune, ni vraiment vieille
✨ Nos compétences d’aidant sont transférables : dans le boulot, en famille, partout
✨ Cette expérience nous rend plus fortes : même si ça fait mal sur le moment
✨ À 50 ans, on peut encore se réinventer : c’est pas fini, car c’est 2 x 25 ans finalement
✨ Anticiper pour nos enfants, c’est aussi les protéger de ce qu’on a vécu…
Mon nouveau combat
C’est pour ça que DWICHS existe. Parce que cette expérience, aussi douloureuse soit-elle, doit servir à quelque chose.
Ma mère m’a dit avant de partir : « Raconte notre histoire. »
Alors je raconte. Pour elle, pour moi, pour toutes les ex-aidantes, orphelines de 50 ans qui se reconnaîtront dans ces lignes.
Et surtout, pour que nos enfants n’aient jamais à vivre ça.
💙 À toutes les ex-aidant(e)s, orphelin(e)s quinqua qui me lisent :
Ce vide que vous ressentez ? Il est normal.
Cette perte d’identité à 50 ans ? Elle passera.
Cette force que vous avez développée ? Elle vous servira pour la suite.
On n’oublie jamais qu’on a été aidante. Ça fait partie de nous maintenant. Et c’est beau, même si ça fait mal.